Par Jennifer Stüwe
Traduction par Théophile Claudel
Photos : Jennifer Stüwe
Cela faisait déjà longtemps que je souhaitais découvrir l’Institut français de Berlin. Il était temps de découvrir cet établissement culturel de la Maison de France. Le bâtiment à l’angle de la Kurfürstendamm, à côté du Cinéma Paris, est une attraction aussi bien pour les touristes que pour les Berlinois. C’est un lieu ouvert à l’international qui a pour mission de diffuser la langue et la culture françaises, à Berlin et dans tout le Brandebourg. Le dialogue international est nourri grâce aux lectures, conférences, tables de discussion, expositions, concerts et pièces de théâtre d’imminents créateurs contemporains. Chacun en a pour son argent et peut ainsi, à sa manière, découvrir et profiter de la culture française.
Je suis donc allée sur le site internet de l’Institut afin de me procurer un aperçu des évènements proposés. Mon idée était de participer à un des évènements pour connaître de plus près l’Institut. En parcourant la page internet, je découvrais un cours animé dans le cadre de la médiathèque : l’Atelier Création BD. Il s’agissait d’une rencontre mensuelle d’enfants âgés de 7 à 13 ans avec un dessinateur expérimenté qui leur transmettrait les bases et méthodes nécessaires à la création bande dessinée. Mon choix était fait.
La bande dessinée est une forme artistique autonome qui peut être décrite comme une simple histoire animée ou comme un véritable art séquentiel. Cette fusion de l’art visuel et de la littérature fut nommée le « neuvième art » par le critique littéraire français Francis Lacassin, dans la lignée des autres arts visuels. Les illustrations, caricatures et dessins animés sont une part essentielle de la BD. Elle se caractérise par des dialogues, bulles de pensée, cases et onomatopées.
Comme chacun le sait, il se produit une sorte de «cinéma mental » à la lecture d’une bande dessinée car le lecteur combine à sa fantaisie des cases indépendantes en un film unique. Il construit ainsi un processus dynamique à partir de cases statiques. A l’inverse d’un texte littéraire brut, ce « cinéma mental » exprime une forte impression visuelle. Il fonctionne particulièrement bien quand le créateur de BD, en plus de ses capacités de rédaction et de dessin, connaît et applique les techniques de l’art cinématographique.
Des BD comme Astérix et Obélix ou Mickey Mouse sont connus de tous et réveillent chez les uns et les autres des souvenirs d’enfance. Pour moi aussi, ces petites séquences illustrées ont gardé de leur attrait, jusqu’à aujourd’hui. J’attendais avec impatience, dans le cadre de l’atelier création BD, ma première visite à l’Institut.
La professeur Lili Loge travaillait justement à ce moment-là à la publication de sa nouvelle BD intitulée «Lies die kind ». En outre, elle soutenait la « Renate », la seule bibliothèque de bande dessinée d’Allemagne, qui se trouve à Berlin, Tucholskystraβe. Le cours de dessin était construit de façon à ce que chaque séance traite d’un aspect important de la BD. Le thème de cette séance était la représentation des émotions. Comment figurer les gestes des personnages dans des états d’émotion précis ?
En introduction de cette thématique, Lili Loge a expliqué aux cinq enfants participants, d’origine française et allemande, comment exprimer des émotions précises à l’aide d’une figure en carton, sur laquelle on pouvait appliquer et ajuster des yeux, bouches et sourcils. Les enfants ne se le laissèrent pas dire deux fois et, grâce à leurs connaissances, ils essayèrent de reconstruire les différentes expressions du visage. Cet exercice fut par la suite expérimenté de façon vivante. À quoi ressemble-t-on quand on est curieux ou triste ?
Après cette sensibilisation intensive à l’expression des visages, il était temps d’apprendre le réel processus de dessin de BD. Les enfants créèrent de belles histoires avec des illustrations impressionnantes et drôles, montrant qu’ils avaient compris comment exprimer des gestes et des figures abstraites.
La médiathèque est un lieu approprié pour la tenue d’un tel évènement, entouré d’un large choix de littérature française et de formats audio. Il règne dans les locaux de l’Institut une atmosphère créative qui m’a donnée, tout de suite, une très bonne impression du lieu.
Les matinées de création BD avec Lilli Loge et les enfants étaient déjà terminées. Je me demandais comment il était possible que la BD soit étiquetée comme de la mauvaise littérature en Allemagne. Elle est souvent considérée comme un média ayant une influence brutale sur les jeunes lecteurs, perception superficielle et clichée de la réalité. Comment expliquer que la BD ne soit pas aussi répandue en Allemagne qu’en France ou en Belgique ? L’un des raisons est que là-bas, on la considère toujours comme un art et une forme narrative classique.
L’atelier création BD a montré au contraire combien le dessin requiert de la créativité et du plaisir. La représentation sur le papier de ses propres idées nécessite beaucoup d’imagination. Contrairement à avant, cette forme d’art imaginative présente des possibilités illimitées, pour le plaisir des grands comme des petits. Ma visite à l’Institut français ne sera pas la dernière. Enrichie par cette expérience, c’est le sourire aux lèvres que je quitte la bibliothèque.